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DISSERTAZIONI DI DOTTORATO
2008-09

GABATI KIBETI Gabriel

Le Père et ses dons. Aspects théologiques, christologiques et éthiques des références à Dieu Père en Mt 5–7

(Mod.: Prof. Klemens STOCK)

L’importance qu’assume dans le vocabulaire théologique de Matthieu la désignation de Dieu comme Père nous oblige à examiner attentivement les textes évangéliques relatifs à ce lexique, en particulier ces textes où Jésus parle de Dieu comme le père des hommes à qui il révèle cette paternité divine, car cette désignation comme Père des hommes est plutôt rare dans l’évangile de Marc, de Luc et de Jean. La plupart des textes matthéens relatifs à cette désignation (“votre Père”, “ton Père”, “notre Père”) se trouvent en Mt 5-7 (16 références sur les 21 attestées dans cet évangile). Ces références à Dieu comme Père des hommes sont présentes dans tout le discours sur la montagne qui se conclut néanmoins par une référence à Dieu comme Père de Jésus (“mon Père” en Mt 7,21), l’unique de Mt 5-7. En insérant cette révélation de Dieu comme Père des disciples et des foules auditeurs de Jésus dans le contexte de l’annonce éthique de Mt 5-7, Matthieu montre que les exigences impératives présentées dans ce discours s’enracinent dans cette relation des disciples avec Dieu qui, par Jésus, devient “votre Père”. En effet, après avoir développé dans le prologue de son évangile le thème de la filiation divine de Jésus, Matthieu présente cette paternité divine à l’égard des hommes comme le don que Jésus, le Fils, fait à ses auditeurs en Mt 5-7.

En relevant les éléments qui caractérisent Dieu comme Père dans ce discours et en définissant le statut de celui qui le révèle comme Père (cf. Mt 11,27) et de ceux à qui il est révélé comme tel, cette thèse cherche de restituer à la relation établie par Jésus entre le Père et ses disciples son absolue centralité comme proposition d’une vie qui est expérimentée comme don et dans laquelle s’enracinent les exigences requises aux disciples destinataires de cette révélation. Les éléments littéraires et sémantiques pris en compte dans l’analyse de ces références à Dieu comme Père montrent que les exigences impératives relatives à l’agir des disciples ne se trouvent pas en Mt 5-7 en un contexte isolé, ou présentées pour elles-mêmes. Il y a toujours un don du Père qui précède l’agir des disciples, qui accompagne les disciples dans le présent et dans le futur, en leur indiquant le mode juste pour accueillir ce don et le rendre effectif dans leur vie.

En effet, au centre de ce discours dominé par les impératifs de l’agir requis aux disciples, Matthieu a placé l’enseignement sur la prière que les disciples doivent adresser à Dieu comme Père (Mt 6,9-13), prière accompagnée de la certitude de l’exaucement (Mt 6,8 ; 7,7-11). Lorsque l’orant cherche la relation avec Dieu dans la prière, il le rencontre comme Père. Prier le Père, c’est faire place à ses dons dans sa propre vie pour féconder l’agir requis. En Mt 5-7, la désignation de Dieu comme Père est avant tout la révélation faite aux disciples sur la bonté immense, sur l’amour et la sollicitude de Dieu qui s’est approché des disciples comme leur Père. Cette sollicitude du Père est exprimée entre autre dans l’exemple que le Père donne à ceux qui sont appelés à devenir ses fils, particulièrement en situation conflictuelle, d’où la présentation de Dieu comme le Père parfait (Mt 5,48). Ce faisant, le Père ouvre le chemin sur lequel les disciples doivent marcher. Enfin, par la sollicitude créative qui le caractérise, Dieu est un père qui prend soin des disciples et qui prévient leurs besoins (Mt 6,8 ; 6,26.32.33 ; 7,11).

Interpellés par les exigences qui naissent de cette relation avec Dieu comme leur Père, les disciples sont invités pour cela à être “transparents” du Père (Mt 5,16). En effet, comme “fils du Père”, ils trouvent dans leur Père le modèle (Mt 5,45.48), le motif (Mt 6,1-18) et la finalité (Mt 6,33) de la justice qui leur est requise, mais en même temps celui qui sanctionne leur agir (Mt 6,14.15 ; etc.). Les dons du Père obligent. C’est pour cela que la relation du disciple avec le Père ne s’épuise pas dans l’établissement d’une proximité spirituelle ou dans l’accomplissement d’une responsabilité éthique. Cette relation est suspendue tout entière au prononcé d’un verdict par lequel le Père communiquera par son Fils Jésus (Mt 7,21) la sentence d’accueil ou du rejet dans son royaume selon l’attitude que le disciple assume envers la volonté du Père que Jésus révèle dans ce discours (Mt 7,13-27).

En définitive, à travers cette étude des références à Dieu Père en Mt 5-7, cette dissertation doctorale cherche de montrer que l’accentuation éthique qui anime le premier évangile et que l’on peut voir en particulier dans l’insistance impérative de Mt 5-7, doit être comprise non point sur le mode d’une théologie des œuvres qui présenterait l’accueil dans la communion avec le Père comme la récompense de l’obéissance, mais fondamentalement à la manière d’une théologie de l’alliance qui allie l’exigence au don. De la sorte, seule l’obéissance peut bénéficier du don et permettre à celui-ci de porter des fruits pour la glorification du Père céleste.